Le 20 mars dernier, le Conseil d'État a émis un ultimatum au Gouvernement français, lui enjoignant de prendre des mesures visant à protéger les petits cétacés, notamment les dauphins communs et les marsouins, des filets de pêche mortels dans le Golfe de Gascogne. Ces espèces, qui sont protégées par la loi, étaient gravement menacées, et il était essentiel de mettre en place des fermetures temporaires des zones de pêche à risque, conformément aux avis émis par les experts.
À quelques jours de la date limite, le Gouvernement a finalement publié un projet d'arrêté soumis à consultation publique. Malheureusement, ce projet est loin de respecter la directive du Conseil d'État. En effet, il prévoit de nombreuses dérogations qui mettent en danger la survie des dauphins et des marsouins, tout en ne proposant aucune transition viable pour les pêcheurs.
Au cours de l'hiver 2022-2023, plus de 1 300 dauphins communs se sont échoués sur les côtes françaises, portant ainsi à environ 10 000 le nombre total de morts. Le dauphin commun est une espèce protégée au niveau européen, ce qui oblige la France à prendre des mesures concrètes pour garantir sa survie. Malgré les nombreuses alertes lancées par les scientifiques, la société civile et l'Union européenne, le Gouvernement français est resté inactif. La situation est critique, et la population de dauphins communs dans l'Atlantique Nord-Est risque de s'éteindre si aucune action significative n'est entreprise.
Les petits cétacés jouent un rôle essentiel dans l'écosystème marin. Ils contribuent à réguler les flux d'énergie, absorbent du carbone et sont parfois considérés comme des espèces clés de voûte, qui sont indispensables pour maintenir une diversité biologique élevée. La disparition des dauphins du Golfe de Gascogne aurait des conséquences imprévisibles sur l'équilibre écologique de la région.
En mars dernier, le Conseil d'État a été saisi par Sea Shepherd France, France Nature Environnement et l'association Défense des Milieux Aquatiques. Ce dernier a rappelé au Gouvernement ses obligations en matière de protection des cétacés en lui donnant un délai de 6 mois pour agir. Le Gouvernement était tenu de prendre des mesures visant à réduire les captures de manière à préserver les dauphins communs dans le Golfe de Gascogne, en se basant sur les conseils des experts.
Selon les recommandations scientifiques, la fermeture totale des zones de pêche à risque pendant 4 mois (3 mois en hiver de mi-janvier à mi-mars et 1 mois en été de mi-juillet à mi-août), ainsi que l'équipement des chaluts bœufs et pélagiques de répulsifs acoustiques (pingers) le reste de l'année, permettraient de réduire de manière significative les captures et de mettre les cétacés hors de danger.
Le Président Emmanuel Macron avait lui-même qualifié les échouages massifs de dauphins le long des côtes françaises de "choquants" et avait souligné qu'il s'agissait d'une décision de justice qui devait être respectée. Cependant, le projet d'arrêté publié par le Gouvernement contredit cette déclaration en prévoyant de nombreuses dérogations à la fermeture de la pêche, en violation flagrante de la décision du Conseil d'État. Cette approche complique la politique de pêche, qui dépend largement des subventions publiques.
Alors que les scientifiques recommandent la fermeture de toutes les zones de pêche à risque, la méthode de pêche à la senne, connue pour être dangereuse pour les cétacés, ne sera pas soumise à la fermeture. Les 36 navires qui ont pratiqué cette méthode pendant l'hiver 2022-2023 pourront continuer comme avant.
De plus, les petits bateaux de moins de 8 mètres, qui représentent 17% de la flotte de pêche de la façade atlantique (soit près de 3 900 bateaux), ne seront pas touchés par les fermetures. Cette décision va à l'encontre des recommandations scientifiques qui préconisent des fermetures plus longues pour réduire efficacement les captures.
Pourtant, le Gouvernement aurait la possibilité de mettre en place ces fermetures temporaires tout en indemnisant les pêcheurs. Des millions d'euros de fonds européens, notamment le "FEAMPA" (fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture), sont disponibles à cet effet. Plus de 100 millions d'euros ont été alloués dans le cadre du plan de relance et des assises de la pêche et des produits de la mer.
Les fermetures temporaires sont non seulement écologiquement bénéfiques pour les écosystèmes marins, mais elles sont également socialement justes pour les pêcheurs qui dépendent de cette activité. Expérience a montré que ces périodes de repos biologique ont un impact positif sur la santé des écosystèmes marins et contribuent à briser le cycle de la surpêche, sans compromettre les moyens de subsistance des pêcheurs. La réduction de la pêche, la préservation de l'écosystème et la viabilité économique de la pêche sont des objectifs atteignables grâce à la mise en place de ces fermetures temporaires à court terme et à une réforme du système économique de la pêche à moyen terme.
La surpêche actuelle empêche les poissons de se reproduire et de croître suffisamment, ce qui met en péril la survie de toutes les espèces dépendant de la mer, y compris les dauphins, les poissons et les pêcheurs, ainsi que l'ensemble de l'humanité.
Les fermetures recommandées par les scientifiques et imposées par le Conseil d'État pour protéger les dauphins du Golfe de Gascogne offrent une opportunité de soulager les populations de poissons surexploités par la pêche commerciale. Cette mesure bénéficiera également à d'autres espèces, telles que la sole, le merlan, le merlan bleu et le maquereau de l'Atlantique, actuellement victimes de la surpêche.
Il est important de noter que des fermetures temporaires de pêche ont déjà été mises en œuvre avec succès en France, notamment dans le Golfe du Lion en 2020, pour restaurer les populations de poissons en Méditerranée. Le secteur de la pêche a réussi à s'adapter à ces mesures, qui ont été appliquées sur une période bien plus longue que celle préconisée pour protéger les cétacés.
Le Gouvernement semble malheureusement conduire l'industrie de la pêche vers une voie non durable, mettant en danger les écosystèmes marins et les moyens de subsistance des pêcheurs. Les fermetures temporaires de pêche représentent une solution gagnant-gagnant pour l'océan et les pêcheurs.
Face au risque d'extinction probable des dauphins communs et des marsouins, les actions du Gouvernement, y compris celles d'Emmanuel Macron et d'Hervé Berville, Secrétaire d'État à la Mer, sont inquiétantes. Les associations demandent que le projet d'arrêté soit modifié conformément aux recommandations scientifiques, ce qui permettrait de réduire les captures de près de 88% et d'accompagner financièrement les pêcheurs. Elles ont également sollicité la Commission européenne pour une intervention urgente dans ce dossier.