Le 2 décembre 2020, Morgan Keane, un jeune homme de 25 ans, perdait tragiquement la vie dans son jardin, après avoir été atteint par la balle d’un chasseur, à Calvignac. Le tireur avait expliqué avoir confondu le jeune homme, qui se trouvait pourtant sur son terrain, avec un sanglier.
Le chasseur, prénommé Julien F. et âgé de 35 ans, a finalement comparu, deux ans plus tard, à la fin du mois de novembre 2022, devant le tribunal de Cahors, comme le rapporte le site d’informations 20 Minutes. Au cours du procès, le chasseur a déclaré :
Je reconnais mon erreur, je le regrette. Sincèrement. Il n’y a pas un jour qui passe sans que j’y pense, c’est gravé à vie dans ma tête.
Comparaissait également le directeur de la battue, accusé de nombreux manquements à la sécurité. Julien F. est revenu sur les circonstances du drame :
Je me poste. Je charge mon arme. Je vois d’abord une masse sombre à la lisière. Dans ma tête je me dis que c’est le sanglier que j’ai loupé. La masse remonte le sous-bois, je la mets en joue, puis je rabaisse mon arme. Je l’ai vu redescendre un peu et s’arrêter. J’ai attendu, j’ai visé et j’ai tiré. Je n’ai pas bien identifié la cible, je suis d’accord avec vous.
Si Julien F. reconnaît sa culpabilité, la situation est plus ambiguë lorsqu’il s’agit du directeur de la battue. A-t-il correctement donné les consignes de sécurité ? L’homme, âgé d’une cinquantaine d’années, a martelé qu’il l’avait fait, tout en précisant que certains chasseurs, estimant qu’ils connaissaient déjà ces règles, ne les écoutaient plus. Il a pourtant admis que plusieurs chasseurs étaient bien incapables de les répéter. Le président du tribunal a alors lancé :
Mais pourquoi les faire chasser ? Quand on accepte d’être directeur de battue, on se doit d’appliquer les règles. Il n’y a jamais de fatalité pour les accidents, ils ne sont dus qu’à des erreurs humaines.
Alexandre Rossi, le procureur de la République de Cahors, renchérit :
La chasse a été réalisée quasi exclusivement sur des terres non signées avec les propriétaires, à l’exception du timbre-poste où se trouvait le tireur. Il avait déjà réalisé trois ou quatre tirs dangereux, le directeur de la battue aurait dû l’exclure. Lorsqu’il l’a posté là, il ne lui a pas donné de consignes de tir. C’était un poste connu par les autres chasseurs, on aurait dû être plus vigilant car il ne connaissait pas les lieux. Le décès de Morgan Keane est accidentel mais il était malheureusement déjà écrit en raison des multiples manquements.
L’avocate du tireur, Sylvie Bros, confie :
Il ne connaissait pas le terrain, il a compris à la reconstitution que les parcelles qui l’entouraient étaient interdites à la chasse. Il ne savait pas qu’il y avait une maison. Ce qui a manqué le plus ce sont des consignes claires et simples
Les propriétaires des autres parcelles, dont celle de la famille Keane, avaient demandé à plusieurs reprises aux chasseurs de ne pas s’approcher. Dans ces circonstances, le procureur a demandé deux ans de prison, dont six mois ferme pour le tireur, et pour le directeur de la battue, dix-huit mois de prison dont douze mois avec sursis.
Benoît Coussy, avocat de Rowan Keane, le frère de Morgan, conclut :
Dans le Lot, il n’y a pas de barrière, on va où on veut, c’est difficile parce que les chasseurs n’ont plus de limites. La mort de Morgan n’est pas une histoire avec laquelle on joue. La vie de Morgan ne vaut pas grand-chose si rien ne change. Il est possible qu’ils aient tué la chasse eux-mêmes, car si on tue des hommes à la chasse, c’est la fin d’un système que l’on doit remettre à plat.
(Image d'illustration : ARNAUD LE VU / HANS LUCAS / AFP)