Anti Chasse

Les lémuriens sont encore chassés pour leur viande

Publié le
2/4/2018

Récemment, le journal malgache Mongabay a publié une enquête sur la situation des lémuriens au sein de leur territoire. On y découvre notamment que ces animaux sont toujours consommés par les habitants de Madagascar.

lémuriens madagascar

Un hapalémur gris (Hapalemur griseus) dans un bambou gris dans le parc national de Marojejy. Source : Dan Ashby et Lucy Taylor pour Mongabay. 

Dans la région de Sava, au nord-est du pays, les autorités affirment que certains restaurants servent encore de la viande de lémuriens illégalement dans leurs établissements. Alors comment les consommateurs font-ils pour contourner la loi ?

Les habitants utilisent un code secret pour en commander

Deux représentants de la faune de la région ont également confirmé que les lémuriens figuraient encore au menu dans certains restaurants malgaches, mais officieusement seulement. En effet, selon un conservationniste, la population locale utiliserait un code pour commander cette viande, la plupart du temps dans des hôtels de la région.

"Les plus menacés de tous les vertébrés"

Actuellement, plus de 90% des 111 espèces de lémuriens recensées seraient menacées d'extinction, selon l'UICN - Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Parmi ces espèces menacées, 24 seraient "en danger critique d'extinction", 49 "en danger" et 20 "vulnérables".En 2012, à l'occasion d'une rencontre pour la survie des espèces, les conservationnistes ont établi que les lémuriens étaient "les plus menacés de tous les vertébrés".

Tantôt chassés tantôt protégés

Les lémuriens vivent à l'état sauvage à Madagascar, et ont toujours été chassés par les habitants. Dans certaines régions, où la pauvreté fait des ravages, elle est consommée par les malgaches et permet de lutter en partie contre la famine, grâce aux protéines qu'elle contient.Dans certains endroits, en revanche, les lémuriens sont protégés par lefady, tabou culturel qui impose des interdits dans une perspective éducative et de vivre-ensemble.

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Deux pisteurs sur la trace des lémuriens pour les touristes dans le parc national de Marojejy. Source : Dan Ashby et Lucy Taylor pour Mongabay.

Toutefois, dans le nord-est du pays plus particulièrement, la viande de lémurien fait toujours partie de l'alimentation des habitants.

Des hors-la-loi difficiles à interpeller

Jean André Mboly,directeur du parc national de Marojejy dans le nord-est de la région de Sava, a indiqué :

Les locaux apprécient encore la viande de gibier. Je suis convaincu que la viande de lémurien qu’on retrouve dans les plus grandes villes ne provient pas de Marojejy. Les chasseurs se rendent dans les nombreuses forêts qui ne sont toujours pas protégées et vendent la viande lorsqu’ils reviennent dans les plus grandes villes.

Il paraît donc difficile de s'assurer du bien-être de ces animaux en raison du manque de surveillance.

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Un lémurien abattu dans la réserve spéciale de Anjanaharibe-Sud dans le Nord-est de Madagascar. Un guide touristique a remis l’animal aux autorités après que le chasseur se soit enfui. Source : anonyme.

Arsonina Bera,directeur de la foresterie de Sambava, précise que s'il est si difficile de contrôler le commerce de viande de lémurien, c'est parce que celui-ci profite à de nombreuses personnes :

Nous tentons de contrôler ce commerce, mais il demeure problématique. Il a lieu dans le milieu hôtelier, car c’est un milieu où circule beaucoup d’argent. De plus, quelques personnes en bénéficient.

"Le poulet serait même meilleur que le lémurien"

Parmi les organismes qui luttent pour la survie des lémuriens, le Duke Lemur Center, qui surveille lui aussi ce commerce de très près. LantoAndrianandrasana, gestionnaire de projets à Sava et originaire d'une autre région du pays, fait part de son étonnement à son arrivée à Sava :

Quand j’ai questionné les gens de la ville, j’ai été un peu surpris d’apprendre que des restaurants malgaches offrent encore de la viande de lémurien. [...] Je leur ai demandé s’il y avait une différence entre le poulet et le lémurien et ils ont répondu que non. Le poulet serait même meilleur que le lémurien. Je leur ai demandé la raison pour laquelle ils ne mangent pas seulement du poulet alors. Ils ont répondu que c’était pour connaître le goût de cette viande et dire qu’ils en ont déjà mangé.

Un habitat naturel menacé

Mais cette consommation n'est pas l'unique responsable de la fin annoncée de cette espèce. A Sambava, c'est la destruction des forêts qui sonne le glas des lémuriens.

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Un lémurien de race indéterminée, probablement un lémurien à front blanc (Eulemur albifrons). Source : Dan Ashby et Lucy Taylor pour Mongabay.

Entre l'exploitation forestière illégale et l'agriculture sur brûlis pour la culture du riz, ces animaux sont peu à peu chassés de chez eux, et peinent à survivre dans la nature. Dans d'autres régions du pays, c'est la production de charbon et les élevages bovins qui compromettent leur territoire.Arsonina Bera précise :

Même si les forêts sont importantes pour les lémuriens, elles sont encore défrichées. Les tueurs, les chasseurs, sont problématiques, mais ils ne sont pas les seuls responsables de la menace qui plane sur cette espèce.

Selon Mongabay, outre la survie de l'espèce, la diminution du nombre de lémuriens est dramatique sur plusieurs plans.En effet, leur disparition pourrait causer de sérieux problèmes pour les forêts, dans la mesure où les lémuriens participent à leur diversité en dispersant des graines de plantes.

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Un hapalémur gris (Hapalemur griseus). Source : Dan Ashby et Lucy Taylor pour Mongabay.

De plus, l'économie du pays s'en trouverait affaiblie. Une part importante du tourisme est basée sur ces animaux et sur la visite des forêts pour pouvoir les observer. Considérés comme "l’élément le plus distinctif de Madagascar", selon l'UICN, ils ontpermis de générer 702 millions de dollars, une somme non négligeable pour le dixième pays le plus pauvre du monde.Pour l'heure, des groupes de conservation tentent d'aider les populations locales à protéger les lémuriens en misant sur l'éducation et la sensibilisation. Le Duke Lemur Center aide notamment les gens à se tourner vers la pisciculture pour subvenir aux besoins alimentaires des habitants et leur fournir une nouvelle source de revenus.

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