Depuis près de quarante ans, les populations d'oiseaux en Europe sont confrontées à un déclin spectaculaire, avec la disparition de près de 20 millions d'individus chaque année, selon une étude réalisée par des scientifiques européens. La principale cause de ce déclin alarmant est identifiée comme étant l'intensification de l'agriculture.
L'étude, publiée dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), est le fruit de la collaboration de nombreux chercheurs européens. Ils ont utilisé une base de données sans précédent, comprenant 37 années d'observations provenant de 20 000 sites de suivi écologique répartis dans 28 pays européens, pour étudier 170 espèces.
Les résultats sont alarmants : "On trouve une baisse d'un quart de l'abondance des espèces depuis 1980", déclare Vincent Devictor, chercheur au CNRS et coordinateur de l'étude. Cela représente une baisse systémique et profonde de l'avifaune européenne, avec la disparition de 800 millions d'oiseaux au cours des 40 dernières années, soit une moyenne de 20 millions d'individus par an.
Ce déclin touche particulièrement certaines catégories d'oiseaux. Les oiseaux forestiers ont diminué de 18 %, tandis que les oiseaux urbains ont connu une baisse de 28 %. Les oiseaux des milieux agricoles sont les plus touchés, avec un déclin alarmant de 57 %.
Les scientifiques sont catégoriques quant à la cause principale de ce déclin : "Nous concluons que l'intensification de l'agriculture, en particulier l'usage des pesticides et des engrais, représente la pression principale pour la plupart des déclins de populations d'oiseaux, en particulier ceux qui se nourrissent d'invertébrés", affirment-ils.
En effet, les invertébrés jouent un rôle crucial dans le régime alimentaire de nombreux oiseaux, en particulier pendant leur période de reproduction. Une diminution de la disponibilité de cette nourriture aura un impact négatif sur le succès de la reproduction, en modifiant le comportement des parents et en affectant la survie des oisillons.
Le déclin des populations d'oiseaux est particulièrement marqué chez certaines espèces emblématiques, telles que le gobemouche gris (-63 %) ou le célèbre moineau domestique (-64 %).
Face à cette situation préoccupante, les chercheurs soulignent l'urgence de changer de modèle agricole. Vincent Devictor déplore le maintien d'une vision industrielle de l'agriculture, avec une mécanisation intensive et une utilisation excessive de produits chimiques. Il met en évidence l'augmentation des mégafermes au détriment des petites exploitations, qui perpétue un paradigme désuet issu de l'après-Seconde Guerre mondiale.
Outre l'agriculture, d'autres facteurs liés à l'activité humaine ont également un impact significatif sur les populations d'oiseaux. Le changement climatique est l'un de ces facteurs déterminants.
Le réchauffement climatique affecte de manière disproportionnée les espèces préférant les climats froids. En effet, elles subissent un déclin alarmant de 40 %, comme c'est le cas pour la mésange boréale. Cependant, même les espèces amatrices de chaleur ne sont pas épargnées, avec une diminution de 18 % de leurs effectifs.
L'urbanisation croissante constitue également une menace pour les populations d'oiseaux. Les martinets et les hirondelles, par exemple, sont victimes de la progression des zones urbaines. Vincent Devictor souligne que les territoires deviennent de plus en plus hostiles, même à l'intérieur des milieux urbains. Il explique que les espèces avaient l'habitude de nicher dans des endroits où il y avait encore des insectes. Cependant, avec les modes actuels de bétonisation et la disparition des insectes, ces habitats deviennent hostiles pour les oiseaux.
Pour inverser le déclin alarmant des populations d'oiseaux, il est impératif d'adopter une approche plus respectueuse de l'environnement dans le domaine agricole. Il est essentiel de sortir de la vision industrielle de l'agriculture, caractérisée par une mécanisation excessive et une utilisation intensive de produits chimiques. Vincent Devictor insiste sur la nécessité de repenser le modèle agricole actuel et de favoriser des pratiques plus durables et respectueuses de la biodiversité.
Au-delà de l'agriculture, des actions sont également nécessaires pour faire face au changement climatique et à l'urbanisation croissante. Il est essentiel de mettre en place des politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir une transition vers une économie bas-carbone. De plus, il est crucial de préserver les habitats naturels et de créer des espaces verts au sein des zones urbaines pour permettre aux oiseaux de se nourrir, de se reproduire et de se reposer.
La préservation des populations d'oiseaux est un enjeu majeur pour la préservation de la biodiversité et l'équilibre des écosystèmes. Il est urgent d'agir à tous les niveaux, du local au mondial, pour préserver ces espèces qui sont essentielles à notre environnement et à notre bien-être.